Ce penser qui sans fin tirannise ma vie,
Se montre tellement contre moy coniuré,
Que tant plus ie m'efforce à dompter son enuie,
Et tant moins à mon bien ie le voy preparé.
I'ay quitté la beauté dont il a pris naissance,
Esperant par l'oubly ses charmes deceuoir
Mais ie trouue à la fin que la venue & l'absence
Sont tous deux differends, & d'un mesme pouuoir.
I'ay maintefois iuré du change faire espreuue
Pour faire qu'un dessein just par l'autre deffait,
Mais à toutes les fois, außi tost ie me treuue
Infidelle en parole, & fidelle en effect.
I'ay des plus fiers dedains la puissance empruntée
Pour repousser le trait dont i'ay le cœur attaint,
Mais plus ie recognois par leur force domptée
Ma douleur veritable & mon remede feint.
Ainsi donc combatant le mal qui me possede
Sans voir par ces moyens ses tempestes calmer,
Ie me vay consommant dans mon propre remede
Comme vn Vaisseau qui brusle au milieu de la Mer.
Voilà comme en viuant en toute seruitude
Ie nourris vn penser dont l'impiteux effort,
Se monstre en mon endroit si plain d'ingratitude,
Qu'en luy donnant la vie il me donne la mort.
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